Julien Fournié s’inspire des grandes aventurières qui traversent l’histoire de l’humanité et de l’émancipation féminine. Exploratrices, éthologues ou archéologues, elles se révèlent capables de parcourir la jungle comme de danser la valse. Leur curiosité du monde, leur soif d’indépendance et la quête de leur propre vérité sont passées par le courage de désobéir aux codes sociaux.
Qu’elles découvrent les civilisations précolombiennes d’Amérique du Sud, les tribus des peuples sans écriture d’Afrique ou les arts berbères et touaregs du Sahara, elles ne renoncent à rien et ne renient ni la société d’où elles viennent, ni les mondes qu’elles découvrent. Loin des valeurs masculines qui ont débouché sur la prédation, via la colonisation ou l’évangélisation, leurs conquêtes prônent, parfois au prix de leur vie, la découverte mutuelle, l’acceptation de la différence, l’entraide. Outre l’expédition qu’elles ont planifiée, organisée, financée, elles cherchent le sens caché du monde, au-delà des apparences, des sexes et des frontières. Alliant le flegme, l’enthousiasme et la compassion, elles s’accommodent de tout, collectionnent les bijoux, les outils, les poteries, se laissent transformer par la nature et se fondent dans le paysage sans rien perdre de leur panache.
Maîtrisant la coupe, le couturier français construit des silhouettes qui en imposent autour de vêtements moins corsetés qu’à son habitude, parés de broderies-talismans ou de gris-gris comme recueillis au fil des rencontres et des découvertes, l’allure se structure souvent au moyen de ceintures à multiples lanières, comprenant sacs ou cartouchières qui symbolisent, passementeries comprises, l’indispensable équipement de ces conquérantes de nouveaux territoires. Loin de toute identification précise à une seule origine géographique ou ethnique, ces femmes mixent l’élégance de leur culture d’origine avec les fantastiques découvertes de celles qu’elles ont traversé dans une interprétation personnelle toujours éloignée de n’importe quel communautarisme ou prosélytisme.
« Haute Couture et exploratrices partagent un goût de l’expérience, du pragmatisme et des rencontres que les dogmes établis n’encouragent guére ou déprécient, » déclare Julien Fournié. « Je suis persuadé que la recherche éperdue de liberté constitue notre point commun afin d’imaginer le monde en dehors des sentiers trop battus par le marketing de la notoriété, pour sauver la planète et l’humanité. »
A l’occasion du dixième anniversaire de sa Maison, Julien Fournié rend hommage aux femmes qui dérogent, transforment, transcendent les codes dans lesquels on a voulu enfermer leur sexe. Depuis la nuit des temps, c’est sur elles que s’est abattu le plus terrible sortilège. Guérisseuses, alchimistes ou savantes, dès lors qu’elles pouvaient s’affranchir des balises que les sociétés patriarcales leur imposaient, on les taxait de maléfiques, on les accusait de sorcellerie, jusqu’ au bûcher.
« J’ai toujours trouvé les sorcières plus stimulantes que répulsives, » confie Julien Fournié. « Les femmes que l’on traite de telles cultivent l’indépendance, possèdent le sens de l’aventure et stimulent l’imagination, en ouvrant sur un monde magique. »
Maîtrisant toutes les arcanes de la coupe, le couturier français modernise en diaboliques beautés les silhouettes mythiques des magiciennes, des empoisonneuses, des héroïnes de romans gothiques ou des stars de films noirs. Cols montants, plastrons brodés sur chemisiers en mousseline plissée s’associent à de longues jupes. La coupe des vestes, des manteaux et des robes trompe-l’œil de manteau, empruntent au vocabulaire militaire sa rigueur. L’autorité d’une carrure renforcée et de boutonnages apparents sur le haut, laisse le tissu se déployer sous la taille dans les plis de basques arrière ou ajouter de l’ampleur à la marche dans les pièces qui descendent à la cheville.
Ailleurs, une veste en fourrure de fils dégradés mixe les franges aux fils hérissés pour accenteur le caractère animal. Assouplis à souhait, les cuirs précieux (python, alligator) sculptent les bustes et les tailles en noir ou en bleu nuit… à moins qu’ils ne les ceignent d’un dégradé d’écailles aux tons d’aurore boréale.
Corbeaux et autres oiseaux de malheur sont convoqués sur les coiffes, bonnet, capeline, via des plumes brodées, et même tissées, dans une version du sac iconique de la Maison. La salomé signature s’orne pour la saison d’un motif de diadème sur son embout.
« Haute Couture et magie partagent un goût de l’expérience accumulée et du tour de main que les savoirs officiels mésestiment ou répriment, » déclare Julien Fournié. « Je suis persuadé qu’allier l’empirique et l‘innovant constitue la meilleure voie pour sauver la nature, l’humanité, et changer le monde afin que la libre exultation des esprits et des corps ne se retrouve plus jamais associée à un sabbat infernal. »